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Généalogie à la Désirade (Guadeloupe)

Marguerite EPIDOTE

La demoiselle Marguerite EPIDOTE, domiciliée à la Pointe-à-Pitre, est décédée à la Désirade le 17 juillet 1863 en la maison de la dame veuve Daguin Lindor, sise au Galet. Célibataire, elle avait 80 ans et était native de la Désirade, fille de la demoiselle Marie Victoire, quand vivait blanchisseuse domiciliée à la Désirade. 

Elle a été inscrite sur le registre des nouveaux libres de l'île le 23 mars 1849. Marguerite, née à la Désirade, âgée d'environ soixante-six ans, inscrite précédemment sur le registre matricule de ladite commune sous le n° 324, ayant demeuré chez la citoyenne veuve Claude Laurent Mirre.

Elle y est enregistrée seule. Cependant, elle a un fils dont elle effectue la reconnaissance à Pointe-à-Pitre le 7 mai 1851. Il s'agit de Jacob SORON, âgé de 27 ans, marin, domicilié à la Pointe-à-Pitre mais né à Basse-Terre où il a été inscrit comme nouveau libre le 3 février 1849 sous le n° 856. La mention est précieuse car les registres des nouveaux libres de Basse-Terre ont disparu. La demoiselle EPIDOTE, âgée de 68 ans, sans profession, est alors domiciliée à Pointe-à-Pitre. 

Cette reconnaissance intervient avant la célébration dans cette ville de l'union de Joseph Solon EPIDOTE avec Louisa NANET à la date du 28 mai 1851. L'acte reprend sa date d'inscription en tant que nouveau libre à Basse-Terre mais le numéro n'est plus le même, c'est le 886 au lieu du 856.  Louisa NANET, 31 ans, couturière, est native de Sainte-Anne et fille légitimée par le mariage de Joseph NANET et Scholastique MOILON le 9 février 1851.

J'ai repéré trois enfants issus de cette union. Ce sont Joseph EPIDOTE (1851-1891), Jean Louis EPIDOTE (1854-1900) et Marguerite EPIDOTE (1857-1858, tous nés à Pointe-à-Pitre. Les deux premiers ont été déclarés sous le nom de SORON. Soron Jacob EPIDOTE, toujours marin, meurt le 25 novembre 1859 à Pointe-à-Pitre et sa veuve y décède le 9 juin 1889 (l'acte lui donne par erreur MANET pour nom de jeune fille). 

Vraisemblablement en raison de sa proximité avec le nom Solon (homme d'état et poète athénien), j'avais mis dans mon idée que le patronyme attribué en 1849 à Joseph était d'inspiration grecque. Grâce un célèbre moteur de recherche, je découvre que c'est le nom d'un bois du Péloponnèse cité par Pausanias dans sa description de la Grèce. 

Le patronyme EPIDOTE sonne également grec. S'il est effectivement tiré d'un mot grec, c'est le nom attribué à une pierre semi-précieuse verte en 1801 par un minéralogiste français. On retrouve donc une source d'inspiration à laquelle l'officier de l'état civil a beaucoup recouru à la Désirade. C'est visiblement d'un livret de minéralogie que sont sortis les noms ARGILON, GRANITON, JADON, TITANON et beaucoup d'autres. 

Je me suis demandé si Marguerite EPIDOTE avait pu décéder chez une parente et je me suis alors penché sur l'identité de la veuve Daguin LINDOR. Daguin LINDOR a été affranchi à la Désirade par un arrêté du gouverneur du 1er mars 1843. Il y est mort le 8 août 1861, à l'âge de 80 ans, propriétaire et cultivateur, dans sa maison sise au Galet. Natif de l'île, il est fils de la feue demoiselle Julie et époux de la dame Marie-Françoise. 

Le mariage de Daguin LINDOR et Marie Françoise a eu lieu à la Désirade le 11 septembre 1850. Marie Françoise a 61 ans et est blanchisseuse. Née et domiciliée à la Désirade, elle est fille de la demoiselle Marie Victoire décédée blanchisseuse audit lieu. Le couple légitime deux fils, Victor et Marcelin. Le premier est âgé de 29 ans et a été inscrit sur le registre des nouveaux libres le 21 mars 1849 tandis que l'autre, âgé de 27 ans, est dit inscrit sur le registre matricule le 15 novembre 1840.

Je me suis interrogé sur cette différence entre les deux frères. La réponse a été plus simple à trouver que je ne le craignais. Marcelin LINDOR n'avait pas encore enregistré sur les registres des nouveaux libres. Ce n'est que le 31 décembre 1850 qu'il y est inscrit. Il est précisé qu'il a été légitimé par le mariage de ses parents. Il est dit ayant demeuré chez la dame veuve MIRRE. 

Marcelin LINDOR avait le numéro matricule 358 tandis que son frère Victor LINDOR avait le numéro 357. On peut donc savoir qu'ils ont été enregistrés ensemble le 15 novembre 1840. Qu'en est-il de leur mère ? Elle n'a pas de patronyme, y compris dans son acte de décès à la date du 12 septembre 1869, à l'âge de 80 ans.

Puisque ses fils sont nés dans la servitude vers 1821/1822, on sait qu'elle est restée esclave jusqu'à cette période. L'absence de patronyme, si elle a été affranchie, indique une liberté antérieure à 1837. Comme elle ne figure pas dans la liste des affranchissements de 1833 à 1848, on pourrait supposer qu'elle est devenue libre dans la décennie précédente. J'avoue être un peu perplexe à ce sujet. 

Marie Françoise est la veuve Daguin LINDOR chez laquelle Marguerite EPIDOTE rend l'âme. Toutes les deux sont filles d'une Marie Victoire, de son vivant blanchisseuse (comprendre décédée esclave). Marguerite EPIDOTE est née vers 1783 et Marie Françoise vers 1789.  Chronologiquement, elles peuvent être des sœurs. Ce lien de parenté expliquerait naturellement la présence de l'une chez l'autre. 

De qui étaient-elles esclaves ? On sait que Marcelin LINDOR était esclave de la veuve MIRRE. En ce qui concerne son frère, ce n'est pas précisé. Il est juste dit demeurant à la Pointe-à-Pitre en 1849. Marguerite EPIDOTE était esclave de la veuve Claude Laurent MIRRE. Il s'agit de Marie Dieudonnée DEVARIEUX, née vers 1783 à la Désirade et décédée le 4 décembre 1848 à Saint-François. Elle avait épousé Claude Laurent MIRRE (vers 1777-1838) le 11 brumaire an XI (2 novembre 1802) à la Désirade. 

Les futurs époux MIRRE étaient encore mineurs au moment des recensements révolutionnaires. C'est sur les habitations de leurs pères, Laurent MIRRE (1738-1801) et Pierre Augustin DEVARIEUX (vers 1743-1803), que j'ai recherché la présence de Marguerite, alors âgée de 13 à 14 ans, sans l'y trouver. Sur l'habitation de Laurent MIRRE, il y a Victoire, âgée de 38 ans, et Marie Françoise, âgée de 5 ans, en 1796 (aussi recensées en 1797 avec un an de plus). Je ne peux pas aller plus loin que ce simple constat.

Le 21 avril 1807 est déclaré le décès de Victoire, âgée de 53 ans, appartenant à Laurent MIRRE, beau-père de Jean Baptiste MIRRE, commandant la garde nationale de l'île, qui effectue la déclaration. Ce dernier est l'époux et le cousin germain de Marie Marthe MIRRE, une sœur de Claude Laurent MIRRE. Bien qu'elle soit plus âgée de quatre ans que celle recensée, il pourrait éventuellement s'agir de la même Victoire (et toutes deux sont noires). Ce rapprochement est cependant incertain et il est en outre impossible de prouver actuellement que Victoire est la même personne que Marie Victoire. 

Le parcours de Marguerite pendant la période esclavagiste reste à élucider. Elle est née vers 1783 à la Désirade et y est décédée chez sa sœur présumée en 1863 mais était domiciliée à Pointe-à-Pitre, probablement en continu depuis au moins 1851. Nous savons qu'au printemps 1849, elle est à la Désirade et qu'elle a demeuré (comprendre en esclavage) chez la veuve Claude Laurent MIRRE. Mais depuis quand ? Son fils est né à Basse-Terre vers 1824 et y est semble-t-il resté ou retourné puisqu'il a été inscrit sur les registres des nouveaux libres de la ville. 

Combien de temps y est-elle restée avec son fils ? Qui était son maître à cette époque ? Les époux MIRRE ont eu des enfants à la Désirade jusqu'en 1821 et Claude Laurent MIRRE y est mort en 1831. Quand leur fille Marie Zélina MIRRE, née en 1808, s'y marie en 1829, ils habitent l'île. Lorsque Marie Zélina MIRRE se remarie à Pointe-à-Pitre en 1846, sa mère réside à la Désirade. Cette dernière meurt à Saint-François le 4 décembre 1848 dans la maison occupée par son fils Paul Laurent MIRRE (né en 1821) sur la place du bourg mais elle dite domiciliée à la Désirade. 

Le maillage chronologique n'est pas assez étroit pour en être certain mais que la présence de Marguerite (laquelle avait dans les quarante ans à la naissance de son fils) à Basse-Terre ne résulterait pas nécessairement de la présence des époux MIRRE dans la ville. D'une manière générale, la Basse-Terre n'est pas une destination de prédilection pour les natifs de la Désirade, à la différence de la Grande-Terre géographiquement proche.

J'avais bien repéré une nièce de Claude Laurent MIRRE ayant demeuré quelque temps à Basse-Terrre mais ce séjour est plus tardif, Il s'agit de Marie Thérésine dite Honorine MIRRE (aussi appelée Honorine LAURENT, du prénom de son père), née à la Désirade vers 1806. En 1833, elle donne naissance à une fille naturelle au bourg du Moule. En 1838, elle a une fille à Basse-Terre où son compagnon, Barthélemy FABRE, est alors marchand. 

Dans une ville comme Basse-Terre, la population servile a des activités non agricoles. Beaucoup de femmes sont domestiques (servantes, blanchisseuses, repasseuses, bonnes d'enfants...). Le métier de Marguerite EPIDOTE est malheureusement inconnu. Dès 1851, elle vit à Pointe-à-Pitre et est dite sans profession dans plusieurs actes d'état civil. Quelle profession pouvait-elle avoir auparavant et notamment à Basse-Terre ? Son fils était marin. Il a pu débuter jeune comme mousse et être séparé d'elle tôt.   

A la différence de l'exemple de la famille VIOLETTE, présentée dans une précédente notice, l'identité de sa maîtresse ne permet pas de comprendre le parcours de Marguerite EPIDOTE. Il est clair qu'il manque un élément clé. Je me suis demandé s'il serait possible de découvrir des compléments en s'intéressant à d'autres anciens esclaves de la veuve Claude Laurent MIRRE.

Il y a au moins Charlotte LIMAR (vers 1822-1895), laquelle est dite esclave de la veuve Claude Laurent MIRRE à la naissance de sa fille Elisa KARAT (1842-1895), et probablement Anne Louise TOSIE (vers 1787-1876) et sa fille Louise TOSIE (1819-1839) dont la liberté a été demandée par la même veuve. Cependant, à première vue, aussi bien pour Charlotte LIMAR que pour Anne Louise TOSIE, leur vie se déroule à la Désirade.

En fait, parmi les nouveaux libres inscrits à la Désirade, seules deux personnes seraient natives de Basse-Terre. Ce sont Clémentine VIOLETTE, née vers 1820, et Rosette BOUCOUSOU, née vers 1766. Cette dernière est décédée à Bouillante, dans une case de l'habitation l'Aiguille, le 17 août 1851 (elle avait été inscrite à la Désirade le 18 mars de la même année).  

En l'état des recherches, je n'ai pas les renseignements nécessaires pour expliquer à la fois la naissance de Joseph SORON à Basse-Terre et son inscription sur les registres des nouveaux libres de cette ville. Je ne peux que souhaiter qu'il n'ait pas été séparé dans son enfance de sa mère dont il semble avoir été le seul enfant (du moins à être vivant après l'abolition de l'esclavage et reconnu par Marguerite EPIDOTE).

 

COPYRIGHT DAVID QUENEHERVE

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